recueillies par Ghân-Bury-Ghân et retranscrites par Robur Mac Tuck
ou les légendes que j'ai pu glaner au cours de mon long périple vers les terres de Morthelune
Lors du long voyage qui m'a conduit de Snowfalls (mon cher pays), faisant arrêt dans de nombreuses auberges, rencontrant de nombreux sages ou me joignant à quelque compagnon de voyage ou encore escortant l'une ou l'autre caravane, j'ai pu entendre de nombreux récits narrant des histoires plus ou moins extraordinaires. Sont-elles légendes ou réalité, seul votre propre jugement et l'avis des sages pourront vous éclairer.
Après une longue journée de marche, seulement troublée par le vent hurlant et les incessantes chutes de neige, mon corps meurtri n'aspirait qu'à un repos bien mérité au coin d'un feu pétillant. Ce repos se présenta soudain à mes yeux sous la forme tant espérée d'une auberge lotie à l'orée d'une forêt. Cette auberge, du nom de Culloden Moor Inn se situait, je ne l'ai appris que par la suite en entendant les chants des consommateurs habitués dans le comté de Tipperary, au bout d'un long chemin. En effet, chaque nouvel arrivant chantait d'un air satisfait en poussant la lourde porte de chêne un air entraînant que tous reprenaient en choeur : " It's a long way to Tipperary, it's a long way to... ".
Après un repas copieux pris dans une petite alcôve séparée de la salle commune, je me joignais à l'assemblée des libérateurs. Ceux-ci formaient un cercle autour d'un barde aujourd'hui disparu (le fameux Cercle du Barde Disparu). J'arrivais juste au moment où celui-ci commençait son histoire, celle de la Pierre de Vérité.
" Dans un passé très lointain, vivaient en bonne entente, à l'orée d'une forêt immense et inhospitalière, deux peuples très différents. Le premier, des humains, vivaient surtout de leurs talents en l'art de la forge, de l'artisanat et du travail de la terre. Le second, des étranges petits hommes à la forme torturée recouverts de poils verts ressemblant étrangement à de la mousse, s'occupaient de la chasse et de la défense du village. Les deux peuples vivaient en bonne entente car étant dépendant les uns des autres. Cette amitié était surtout très marquée entre Clem Shirestock, un forgeron humain, et Bradmel, un homme des bois s'occupant de la défense du village.
Vint un jour où les hommes des bois durent se rendre à la grande fête du Solstice d'été en l'honneur de leur dieu Groodstrum. Cette réunion décennale n'arrangeait en rien les humains. En effet, des tribus barbares faisaient à cette époque de fréquentes incursions dans la forêt et menaçaient la sécurité du village.
La veille du départ des hommes des bois, Clem Shirestock vint trouver son ami Bradmel. Il lui parla en ces termes :
- Bradmel, tu connais aussi bien que moi notre inaptitude au combat et tu sais également que, ayant toujours survécu grâce à la vigile attentive que vous meniez autour de notre village, nous serions incapables de défendre celui-ci en cas d'attaque des barbares. Or, ceux-ci se font de plus en plus pressant à l'orée de la forêt. Il se peut que quand tu reviennes avec tes frères, vous ne trouviez qu'un tas de cendres.
- Ne t'inquiète pas mon ami - lui répondit Bradmel -, le village sera aussi bien gardé que si nous étions présents. Avec mes frères, nous avons conçu des statues à notre effigie. Tu connais la crainte que nous inspirons aux barbares, ces statues vont suffire à arrêter leurs attaques. Aies confiance en nous.
Clem s'en retourna chez lui, un peu désappointé. Au moment du départ des hommes des bois, il les vit installer les statues en pierre. Comme l'avait dit Bradmel, il ne manquait à celles-ci que la parole.
Le soir vint et les hommes s'endormirent dans l'anxiété. Cependant, la nuit fut calme et tous se réveillèrent un peu apaisés. Le travail de la journée s'effectua normalement. Cependant, les rumeurs des attaques menées par les barbares se faisaient de plus en plus pressantes et les hommes se préparaient à une nouvelle nuit de craintes. Tous regrettaient l'absence des hommes des bois priaient afin qu'ils reviennent.
Leurs angoisses étaient fondées. Au milieu de la nuit, ils furent réveillés par les cris sauvages des barbares investissant le village.
Clem se résignait déjà au sort qui l'attendait. Les barbares n'avaient pas mis longtemps pour déjouer le stratagème des hommes des bois et pénétraient en force dans le village, prêts à massacrer et piller le bourg.
Les hommes, tapis au fond de leurs huttes tremblaient de tous leurs membres. Les hommes des bois les avaient abandonnés.
Soudain, de grands éclairs de lumière illuminèrent la nuit. Les cris de joie des barbares, heureux de leur victoire facile, se muèrent aussitôt en cris de détresses et de souffrance. Les hommes n'y comprenaient plus rien. Quand le tumulte se fut calmé et que le jour fit son apparition, ils sortirent et inspectèrent le village. Il ne subsistait que les cadavres des barbares mais des hommes des bois, aucune trace. Certaines statues avaient disparu, d'autres portaient des traces de coup. Clem remarqua que celle représentant son ami Bradmel portait une vilaine entaille au bras gauche.
Tous les hommes se réunirent au centre du village. Personne ne comprenait rien à ce qui avait pu se passer durant la nuit. Tous avaient assisté, du fond de leur logis à la même scène : les éclairs et le changement dans l'intonation des barbares.
Le soir venu, les hommes des bois revinrent, Clem remarqua que Bradmel portait autour du bras gauche un bandage. Quand il le fit remarquer à son ami, il se rendit bien compte que celui-ci était peu désireux d'en parler et détournait la conversation.
Le retour des hommes des bois fut fêté dignement. Les humains étaient trop heureux de savoir leurs compagnons revenus et, en même temps qu'eux, la sécurité du village.
Quand les humains racontaient leurs mésaventures de la nuit, les hommes des bois arboraient d'étranges sourires, pour peu que leurs visages déformés puissent esquisser un sourire.
Le calme revint au village et l'incursion des barbares fut oubliée.
Cependant, Clem ne parvenait toujours pas à élucider le mystère de la nuit de l'attaque. En fin de compte, n'y tenant plus, Clem alla en parler à son ami Bradmel
- Je n'en peux plus, Bradmel. Tu dois tout me dire de ce qui s'est passé lors de la nuit de l'attaque barbare. Si tu ne le fais pas pour moi, fait le au moins au nom de notre vieille amitié !
- Et bien soit, mais je pensais que les humains étaient plus perspicaces. Vois-tu Clem, pour nous, les hommes des bois, le sens de l'amitié est plus fort que tout. En outre, comme tu n'es pas sans le savoir, nous vivons en communion parfaite avec la nature. La nuit de l'attaque barbare, vous avez tous autant espéré notre venue que tout au fond de notre être, nous avons ressenti votre appel. Etant dans l'impossibilité de venir vous rejoindre physiquement, nous avons communié avec les forces de la nature afin de pouvoir animer les statues de pierre que nous avions sculptée à notre effigie.
- Mais alors, comment peux-tu expliquer que certaines des statues aient disparu le lendemain matin ?
- Mon pauvre Clem, tu n'es vraiment pas observateur! Certains de mes frères ont péri dans cette aventure et...
- Comment est-ce possible puisque vous n'étiez pas réellement présents ?
- Ce serait beaucoup trop long à expliquer à un non initié, apprends simplement que les lois de la communion avec la nature ne sont pas aussi simples que tu le penses. Certains de mes frères ont péri afin de vous défendre.
- Ta blessure au bras vient donc de là ? J'avais bien remarqué que ta statue...
- Oui, apprends que nous sommes et resteront toujours fidèles en amitié, c'est la valeur la plus sûre, celle que nous voulons inculquer aux humains.
Depuis lors, les humains ne doutèrent plus jamais de leur amitié avec les hommes des bois."
C'est ainsi que le conteur termina son récit. Il offrit à tous ses auditeurs la plus belle leçon qu'on ne pourrait jamais recevoir.
Peut-être qu'au cours de mes voyages à venir, je pourrai rencontrer des elfes des bois qui pourront m'en dire plus sur le fond de véracité de cette histoire. On dit que leur mémoire remonte jusqu'au commencement des temps.
Ce document a été rédigé par Benoît Lambrechts.